Ce livre est le récit de l’histoire de photographies sur plaques de verre prises entre 1903 et 1914 par Hippolyte Laurent, alors infirmier de l’asile départemental de Bron, actuel Centre Hospitalier Spécialisé (CHS) du Vinatier. Les 103 images sélectionnées appartiennent à un fonds de 423 plaques découvertes par hasard, déposées aux Archives Départementales du Rhône et de la Métropole de Lyon en 2019.
De par le nombre des photographies, la taille des négatifs, l’époque de prise de vue, ainsi que la profession du photographe amateur, il s’agit d’un témoignage unique et précieux en France sur la vie et le travail infirmier dans un grand asile français avant la première guerre mondiale. Ces photos complètent l’iconographie existante, jusqu’alors assez limitée en quantité et reflétant généralement un regard extérieur (cartes postales) ou descendant lorsque le preneur de vue était un médecin ou un cadre de direction.
L’auteur a suivi le fil rouge familial et s’est appuyé sur les archives pour tenter d’identifier lieux, dates, personnes et signification des scènes représentées. Il a également reconstitué les soins psychiatriques de l’époque essentiellement représentés par le traitement moral, l’alitement et la balnéothérapie. La patientèle des asiles était très différente de celle des hôpitaux psychiatriques actuels, avec une mortalité d'environ 10 % par an et le poids d’une maladie qui a actuellement quasi-disparu, la paralysie générale syphilitique.
Les photographies sont essentiellement des portraits d’infirmiers et infirmières, d’employés, de personnages en civil et de quelques patients. Les scènes photographiées sont souvent représentées avec facétie et les infirmiers posent avec une certaine fierté professionnelle. Le personnel soignant, résidant dans les services d’hospitalisation, menait une vie communautaire avec les patients.
Cette série de photographies est contemporaine d’une évolution de la profession infirmière qui sort de la domesticité et se professionnalise. Son niveau d’instruction augmente. Un syndicat se met en place, l’asile instaure un brevet professionnel local d’infirmier et cherche à aménager la règle du service continu, source d’un turn-over important, en autorisant les chefs de quartier à se marier.
Les soins psychiatriques étaient essentiellement portés par les infirmiers en raison de la sous-médicalisation mais la surpopulation de l’asile menaçait ce dispositif fragile, qui va voler en éclat en 1914.
Le relief donné par la recherche de l’identité des personnages rapproche ce récit d’une écriture romanesque. Cette recherche questionne les idées reçues et stéréotypes sur l’asile.
Ce livre a été distingué par un Prix Spécial Jean Garrabé de la revue l'Évolution Psychiatrique 2021.