Un « safe space » est un endroit où cohabitent sécurité et liberté. Les deux, ensemble. Une famille, une maison, son amour, une amitié, un pays, une table et trois chaises, un job, un père, une mère, ma rue. « Trouble », thème de ce Pourtant n°9, est le moment où ces eaux claires se brouillent, ruinant le passé, dissolvant le présent, déroutant l’avenir. Dans Safe space, nouvelle de l’écrivain Karim Miské, c’est pour la trentenaire Fanta, par un dimanche brutal de fi n juin, Tata Violette qui renie les valeurs qui les unissaient tous trois avec Tonton Souleymane. Rien ne sera comme avant. Pour la photographe Maya Paules, le trouble est une rupture dont elle peigne des images dans sa somptueuse série Petrichor. Il est les clameurs d’un animal à l’engrais prenant conscience de sa fi nitude dans un stupéfiant poème de Jonathan Palumbo. Il est saignement, flux et cycle, dans les séries de Julie Fuchs et Anne Mocaër (en couverture). Trouble d’une jeunesse transhumaniste ressassée dans le frénétique Lapins de Florian Boyer. Il est absence, mensonges de pères, emprise, violences, lacrymogènes... Mais aussi jeu qui dérègle le langage chez Jérémy Semet et Augustin Petit. Deux poètes, hasard ? Et le trouble double de l’amour et d’un lac de Savoie sous la plume et l’appareil photo de Sébastien Berlendis dans les belles petites eaux, là où Alphonse de Lamartine voulut arrêter le temps dans son vol. Lors, rester dans le trouble serait avantageux ?