Pourquoi et comment Édouard Glissant rallie-t-il les univers des peintres et des sculpteurs pour transcrire sa pensée poétique de la matière transmuable du Monde ? Entre 1956 et 2011, Édouard Glissant aura écrit plus d’une soixantaine de préfaces de catalogues d’exposition pour des galeries parisiennes : la galerie du Dragon (de 1956 à 1990), la galerie Le Point Cardinal (1979), la galerie Albert Loeb (1985), la galerie Patrice Trigano (1987), la galerie Thessa Herold (2002 et 2003), la galerie Templon (2004), la galerie Yvon Lambert (2007)… Il s’agissait avant tout d’inventorier, de rassembler un corpus littéraire et paralittéraire qui était jusque-là dispersé. L’enjeu de cet essai est de saisir la manière dont le poète réinvestit ces écrits liminaires ou de circonstance au cœur de son œuvre. Alain Baudot (1940-2021) auteur d’une Bibliographie annotée d’Édouard Glissant (1993) évoquera à ce titre la « reprise créatrice ».
Dans cet ouvrage issu de sa thèse de doctorat (2020), Géraldine Banaré propose de décrypter la trame de ce geste scriptural polyphonique et protéiforme prolongeant cette relation inédite aux univers des peintres et des sculpteurs désignés par Édouard Glissant : le Cubain Jorge Camacho, le Chilien Roberto Matta, l’Argentin Antonio Seguí, entre autres. Une poétique des arts célébrant ces « imaginaires de la Trace » (Traité du Tout-Monde, 1997), à l’exemple de la Porte du Soleil, mégalithe préincaïque des hauteurs andines sur le site archéologique de Tiahuanaco en Bolivie, qui pourrait incarner la fusion alchimique et métaphorique entre les « Lieux », les imaginaires et les arts.
Géraldine Banaré est docteure en arts plastiques et sciences de l’art de l’Université des Antilles (UA, Martinique). Titulaire du Capes d’arts plastiques, elle est lauréate du « Prix Mycéa 2018 » décerné par l’Université des Antilles, la Louisiana State Université (LSU, Baton Rouge, Louisiane) et l’Institut du Tout-Monde, récompensant le meilleur jeune chercheur.